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C’est lors de l’édition 2021 du Colloque mondial sur les Indications géographiques (IG), qu’a eu lieu une conférence sur un sujet épineux : « Les difficultés concernant les indications géographiques et le système des noms de domaine ».  

L’édition 2021 du Colloque organisée pour la première fois sous forme virtuelle par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a réuni du 6 au 8 septembre plus de 1 600 participants. Après avoir rappelé dans son discours liminaire que « les indications géographiques sont des facteurs essentiels de croissance et de développement au niveau mondial », Daren Tang, directeur général de l’OMPI, a réaffirmé la volonté de l’organisation de « définir et mettre en œuvre des systèmes de protection adaptés ».

C’est dans ce cadre qu’EBRAND, expert en protection des marques sur Internet, a pu assister à la conférence dédiée aux « difficultés concernant les indications géographiques et le système des noms de domaine », animée par Madame Heather Forrest, présidente du groupe de la propriété intellectuelle à l’Icann.

UN CONTEXTE QUI FÂCHE

Rappelons au préalable que, depuis le boom de l’Internet, les enregistrements de noms de domaine n’ont cessé d’augmenter et que leur nombre était estimé à 460 millions en 2019 (chiffres Verisign). Or, si les politiques relatives à l’enregistrement des noms de domaine offrent une protection contre les enregistrements de mauvaise foi reprenant des marques, celles-ci ne s’appliquent pas aux indications géographiques sui generis, notamment les procédures de résolution des litiges, type UDRP. Pourquoi ? Une telle question fâche à juste titre et mérite quelques explications :

  • La singularité des indications géographiques «sui generis »: ce terme de droit latin signifiant « de son propre genre » qualifie ainsi une situation juridique paradoxale qui empêche le classement des IG dans une catégorie déjà répertoriée. Ni marque, ni nom de domaine, l’IG considérée comme inclassable ne dispose donc pas de protection spécifique,
  • Les systèmes de résolution des litiges, type UDRP, rappelle John Rodriguez, juriste à l’USPTO (Office du brevet et des marques des États-Unis d’Amérique), peuvent s’appliquer dans certains cas. La procédure UDRP (Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy) requiert cependant que soient réunies et démontrées par le plaignant 3 conditions, à savoir : que le nom de domaine litigieux soit identique ou semblable à sa marque ; que ce nom ait été enregistré et utilisé par le titulaire sans droit ou sans intérêt légitime et enfin, de mauvaise foi. L’obligation, difficilement réalisable, de réunir ces 3 conditions limite de fait l’utilisation de cette procédure pour les IG en cas de litige,
  • Les IG souffrent d’un manque de définition précise, chaque pays appliquant ses propres règles. Aussi, tous les conférenciers le reconnaissent, il devient absolument nécessaire d’élaborer une liste des indications géographiques qui puisse être validée par l’ensemble de la communauté internationale. Il s’agit là d’un préalable indispensable à l’instauration de règles juridiques spécifiques à la protection des IG dans le monde entier.

QUELQUES LUEURS D’ESPOIR

Malgré les difficultés évoquées plus haut, les indications géographiques tentent de plus en plus souvent de défendre leurs droits de propriété intellectuelle.

  1. Avec succès parfois, constate Delia Belciu, avocate roumaine siégeant actuellement au Comité stratégique et au Conseil d’administration de l’EURid (registre du .EU). De récentes décisions ouvrent en effet une brèche et constituent un motif d’encouragement pour les bénéficiaires d’IG. Le cas Gorgonzola est à cet égard exemplaire puisque c’est l’indication géographique, enregistrée en tant que marque combinée, qui a permis le transfert du nom de domaine « gorgonzola.best » (enregistré par une société panaméenne) à la société plaignante, le Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola.
  2. Les discussions nourries engagées au sein du GAC (Governmental Advisory Committee), le comité représentant la voix des gouvernements et organisations intergouvernementales au sein de la structure de l’ICANN. Manal Ismaîl, l’actuelle présidente du GAC, le reconnaît : il est difficile de mettre d’accord 179 gouvernements, compte tenu des fortes divergences qui les opposent. Cependant, lueur d’espoir, il y a maintenant un certain nombre de groupes d’indications géographiques de plus en plus homogènes et ceux-ci permettent de mieux circonscrire le débat et de déblayer certaines questions essentielles. Mais la discussion doit se faire des utilisateurs vers le sommet, conclut-elle.
  3. Droit et mentalités évoluent et ces débats y contribuent. En témoigne l’avancée que constitue l’Acte de Genève de l’Arrangement de Lisbonne, entré en vigueur le 26 février 2020 : une procédure d’enregistrement unique et à moindre coût permet au titulaire d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique nationale ou régionale d’obtenir la protection du signe distinctif dans les autres parties contractantes du système de Lisbonne.

Plus récemment encore, le 1er mars 2021, l’accord bilatéral Chine-UE entrait en vigueur et approuvait la protection des IG pour près de 100 produits de l’Union européenne, comme nous le rapportions dans cet article.

Par Raphaël TESSIER et Sophie AUDOUSSET pour EBRAND France.

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