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4,5 millions de faux produits stoppés aux frontières de la France en 2019 ! Et une énorme interrogation : le nombre de ces saisies représente à peine la moitié de ce qu’il était en 2016. Y aurait-il eu « un trou dans la raquette » ou faut-il chercher la réponse ailleurs ? Déchiffrage…

 

Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, a présenté le 4 juin 2020 le dernier rapport publié par les Douanes. Intitulé « AGIR pour protéger », celui-ci rend compte, chiffres à l’appui, des résultats obtenus en 2019 contre toutes les formes de criminalité organisée sur l’ensemble des vecteurs de fraude : trafic fourmi (petites quantités transportées par valise, par exemple), Internet, fret express et postal…

QUAND LES CHIFFRES PARLENT…

Malgré une mobilisation renforcée sur tous les fronts, les résultats sont contrastés. On observe notamment, par rapport à 2018, une augmentation significative du nombre de saisies de stupéfiants (+ 3,5 %) et de tabacs de contrebande (+ 49 %). Le nombre de jouets contrôlés est lui aussi en hausse (+ 24 %). En revanche, pour ce qui concerne les contrefaçons, la situation s’avère plus inquiétante :

  • 4,5 millions d’articles saisis représentent la moitié à peine du résultat obtenu en 2016 (9,2 millions). Au Top 10 des saisies réalisées, les produits de soins corporels arrivent en tête avec 985 876 articles, suivis par les vêtements (522 796), les jeux, jouets et articles de sport (389 404), puis les téléphones mobiles (317 278). Avec 73 741 articles, les médicaments n’apparaissent qu’à la neuvième place du classement…
  • 30 % des saisies réalisées proviennent du commerce en ligne.

Que s’est-il donc passé en trois ans ? Alors que sur cette période, les demandes d’intervention des entreprises auprès des Douanes ont augmenté (1 550 demandes en 2019 contre 1492 en 2016),  comment et pourquoi les produits contrefaits, pourtant de plus en plus nombreux, passent-ils à travers les mailles du filet ? Or, ce phénomène ne touche pas seulement la France, on le constate partout en Europe, s’alarme l’Unifab qui appelait très récemment à une mobilisation générale contre la contrefaçon.

LES CONTREFACTEURS DE PLUS EN PLUS MALINS

La diminution du nombre de saisies n’est pourtant pas due à une moindre vigilance, au contraire. La lutte contre les atteintes aux droits de propriété intellectuelle est en effet pour la douane française une priorité, d’ailleurs reconnue à l’international : « la chambre de commerce américaine (USCC) a distingué en 2019 l’action de la douane française en matière de lutte contre la contrefaçon en lui décernant son prix «Annual Intellectual Property Champions Award for excellence in Enforcement ».

Malheureusement, cette lutte ne constitue pas un rempart suffisant face à des contrefacteurs dont la ruse n’a d’égale que la rapide capacité d’adaptation : profitant de l’explosion du e-commerce et de l’engouement qu’il suscite auprès des consommateurs, les pirates se déploient toujours davantage sur Internet, notamment sur les réseaux sociaux. En outre, ils utilisent désormais de nouveaux moyens d’acheminement, plus efficaces et surtout plus discrets que les traditionnels envois par conteneurs, surveillés et contrôlés régulièrement  : ainsi, la multiplication des petits colis, par voie postale ou courrier express, permet aux pirates d’échapper plus facilement aux douaniers. Un rapport EUIPO, fin décembre 2018, mentionnait déjà ce problème.

LES ENTREPRISES FRANÇAISES ENCORE TROP PEU ARMÉES

Les conséquences de ce trafic de contrefaçon sont désastreuses tant pour les entreprises françaises que pour les consommateurs. Malgré l’absence de données précises, on sait en effet que les pertes se comptent en millions d’euros de chiffre d’affaires et de TVA. S’y ajoute le nombre d’emplois détruits par le travail illégal. La circulation facile des produits contrefaits sur le Web représente également un réel danger pour la santé des consommateurs et lorsqu’on apprend, par un sondage IFOP réalisé pour l’Unifab, que 37 % d’entre eux (plus d’1 sur 3 !) se sont fait duper en achetant une contrefaçon sur Internet sans le savoir, il y a de quoi s’inquiéter. Heureusement, ceux-ci commencent à réagir et deviennent des relais précieux lorsqu’il s’agit de « signaler » une fraude ou un produit contrefait. À une condition, que les entreprises se saisissent elles aussi du problème.

La surveillance de leur marché sur Internet devient donc pour elles une nécessité absolue si elles veulent préserver leur chiffre d’affaires, voire leur pérennité. Elles doivent désormais lutter contre le piratage mais aussi contre une concurrence déloyale qui se déploie pleinement sur les places de marché (Amazon, eBay, Le bon coin…), les réseaux sociaux (Facebook, Twitter…) et les sites Internet, en France comme à l’étranger. Le secteur du luxe, dont la rareté constitue une grande partie de l’ADN, a pris le problème à bras-le-corps depuis des années. Ce n’est pas encore le cas pour une majorité de PME et de TPE françaises, dont la priorité est la production et la vente. Peu familières des nouveaux risques sur Internet, il est temps pour elles de s’armer afin de protéger leurs réseaux de distribution.

 

Par Raphael TESSIER et Sophie AUDOUSSET

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