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Bukalapak, Lazada, Naver…, ces places de marché peu connues en Europe qui font fureur dans leur pays ont intégré récemment la Liste de surveillance de la Commission européenne* en raison des volumes importants de produits contrefaits qui y sont distribués.  Qui sont-elles réellement ? Quelle menace représentent-elles pour les industriels ? Et surtout, comment protéger ses produits et ses marques de la contrefaçon ?

52 % des ventes mondiales sur Internet en 2018 auraient été réalisées sur les places de marché en ligne, telles Alibaba, Amazon, eBay et d’autres, selon une récente étude de l’Internet Retailer. Ces places de marché mettent en relation vendeurs et acheteurs partout dans le monde. Très prisées des consommateurs en quête de bonnes affaires, on y trouve tous types de produits (de la montre de luxe au matériel technologique en passant par les produits de beauté et de santé) mais aussi un grand nombre de copies et produits contrefaits.

Faux produits, vrais risques !

La photo d’un vrai produit suffit bien souvent à convaincre le consommateur que celui-ci est authentique. Ce n’est qu’une fois livré qu’il découvre qu’il s’agit d’une copie. Il vient d’être victime d’un contrefacteur. C’est contre ce type de méfaits que la Commission européenne part au combat et rappelle à la fois aux consommateurs mais aussi aux industriels les menaces auxquelles ils s’exposent :

  • image de marque et intérêts économiques des entreprises européennes dégradés par la vente de produits contrefaits ;
  • produits dangereux ne respectant pas les normes en vigueur en Europe ;
  • perte de crédibilité des plateformes de commerce électronique.

D’après la Commission européenne, les industries les plus touchées seraient les secteurs du luxe, de l’ingénierie et de la technologie, ainsi que ceux du sport, des tabacs et alcools, du divertissement, de la santé et de la beauté.

Les principaux sites à surveiller

Les signalements et informations fournis par les titulaires de marques et leurs représentants, ainsi que par les institutions et associations qui luttent contre la contrefaçon, ont permis d’identifier un certain nombre de plateformes de e-commerce proposant des produits contrefaits. Les critères suivants ont été déterminants : quantité estimée des produits contrefaits offerts, faible efficacité des mesures visant à détecter et supprimer les offres contrefaites, niveau insuffisant de coopération avec les titulaires de droits et/ou les autorités. S’y ajoutent également le manque de clarté des conditions de service quant à l’interdiction d’utilisation de la plateforme pour la vente ou le commerce de biens et services contrefaits, l’absence d’une vérification efficace des vendeurs ou la non-utilisation d’outils automatisés permettant d’identifier les comportements à risque élevé…

  • Bukalapak.com, place de marché la plus populaire en Indonésie, vend principalement au grand public, mais aussi aux professionnels. On y trouve un grand nombre de produits prétendument contrefaits, principalement en provenance de Chine continentale. La répartition estimée des contrefaçons par secteur est la suivante : 47 % ingénierie et technologie, 19 % mode et luxe, 17 % sport, 12 % tabac et alcool, 4 % divertissement et 1 % santé et beautéEn 2017, l’industrie du luxe a identifié 26 000 annonces proposant des produits contrefaits sur cette plateforme, où les dangers se cumulent : pas de mesure proactive pour détecter ou supprimer les offres manifestement contrefaites, procédures de retrait de ces offres « déraisonnablement » longues et risques élevés pour la santé des consommateurs (vu les catégories de produits proposées).
  • Tiu.ru (Russie), Prom.ua (Ukraine), Bigl.ua (Ukraine), Deal.by (Belarus) et Satu.kz (Kazakhstan) appartiennent au groupe evo.company. Tiu.ru et Prom.ua sont les sites plus importants. Un volume élevé de produits contrefaits est à portée de clic sur ces places et les efforts déployés par leurs responsables pour lutter contre la contrefaçon ne seraient pas satisfaisantsLa répartition estimée des contrefaçons par secteur est la suivante : 52 % pour la mode et le luxe, 36 % pour l’ingénierie et la technologie, le reste étant réparti entre le sport, le divertissement, le tabac, l’alcool, les produits de santé et de beauté. Le long processus de notification des produits contrefaits, le manque de réactivité des équipes juridiques respectives et le rejet des marques internationales OMPI couvrant le pays, constituent autant d’obstacles à la lutte contre le nombre élevé de contrefaçons présumées disponibles sur ces places de marché.
  • Lazada.co.thl’une des places de marché les plus populaires en Thaïlande, a été signalée par les industries européennes des secteurs du sport, du luxe, de l’automobile et de la mode luttant contre la contrefaçon, en raison du volume élevé de ventes d’articles contrefaits de sport, vêtements, chaussures, pièces détachées automobiles et motos, appareils et accessoires électroniques, bijoux et articles de luxeLes intervenants ont également fait état d’obstacles à l’élimination des produits contrefaits, notamment le faible niveau de réceptivité, les exigences d’application déraisonnablement strictes, les longs délais de traitement et les incohérences dans le traitement des plaintes. En outre, ils ont fait état de lacunes en ce qui concerne la détection proactive, l’identification et la suppression des annonces proposant des produits contrefaits, la faiblesse du système de contrôle des vendeurs, l’insuffisance de la coopération avec les titulaires de droits et le manque d’investissement dans les technologies de détection automatique et de leur utilisation.
  • Naver.com, le « google » de la Corée du Sud, appartenant à Naver Corporation, propose de nombreux outils libres où les produits contrefaits s’échangent : Naver Window Series (plateforme de libre échange pour les magasins hors ligne), Smartstore (pour les exploitants de boutiques en ligne). Les intervenants, principalement de l’industrie du luxe et de la mode, ont signalé que les produits contrefaits peuvent être facilement trouvés sur les blogs Naver, les Naver cafés (services permettant aux utilisateurs de Naver de créer leur propre communauté sur Internet : on en aurait décompté 10,5 millions en 2017) et les plateformes d’achat Naver, en tapant divers mots-clés, y compris des mots-clés litigieux, impliquant la nature contrefaite des produits. La Chambre de commerce européenne en Corée a rapporté que 50 000 demandes de retrait d’annonces ont été soumises à Naver Corporation par 12 entreprises en 2017, ce qui prouve que les techniques de détection et de retrait des produits contrefaits nécessitent une véritable amélioration. Une meilleure coopération avec les titulaires de droits en général s’avère indispensable.
  • Snapdeal.coml’une des places de marché les plus populaires en Inde, a été signalée pour le volume élevé de produits prétendument contrefaits qu’elle propose. Les procédures de détection et de suppression des infractions ne sont pas correctement mises en œuvre. Bien que Snapdeal s’engage à retirer les annonces frauduleuses sur simple notification, et à travailler avec divers propriétaires de marques pour retirer ou interdire les vendeurs proposant des produits contrefaits, il semble que dans la pratique ces procédures ne soient pas appliquées de manière uniforme. Snapdeal utilise un système de reconnaissance d’images qui aide à identifier les infractions, mais selon les titulaires de marques, d’autres technologies sont également nécessaires, afin d’analyser et de corréler les informations relatives aux produits et aux prix.
  • Xxjcy.com et China-telecommunications.com mettent en relation fournisseurs chinois et détaillants. On y trouverait de nombreux produits contrefaits (machines de construction, machines chimiques, produits textiles, etc.). La répartition des contrefaçons par secteur sur ces deux places est estimée comme suit : respectivement 53 et 59% en ingénierie et technologie, 18 et 19% en articles de sport, 11 et 16% en mode et luxe, 8 et 10% en divertissement et le reste entre tabac, alcool, produits de santé et beauté. Il y aurait un risque potentiel de revente des produits contrefaits sur les marchés européens, compte tenu des grandes quantités vendues et des possibilités d’expédition à l’étranger. China Telecommunications et Xxjcy sont supposées être liées : on y trouve en effet les mêmes annonces et mises en page lors de recherche par mots-clés. En outre, les utilisateurs ne sont pas en mesure d’acheter par l’intermédiaire des sites, mais ils peuvent contacter les vendeurs pour effectuer des achats en dehors des plateformes. Enfin, ces plateformes semblent ne réagir ni aux plaintes ni aux notifications.

On notera que la Commission européenne n’a pas inscrit sur sa liste les plateformes Aliexpress.com, Tmall.com, Taobao.com, 1688.com, Amazon.com et eBay.com. En effet, elle considère que les mesures prises pour lutter efficacement contre les contenus illicites sont conformes aux recommandations. Les opérateurs de ces plateformes sont généralement disposés à coopérer avec les titulaires de droits : mesures de détection et de suppression proactives, politique de protection des Droits de Propriété Industrielle interdisant l’utilisation de leurs plateformes pour la vente de produits ou services contrefaisants, bonnes pratiques et utilisation d’outils efficaces (reconnaissance d’image, services de traçage par exemple). Elles ont cependant été signalées en raison des volumes importants de marchandises prétendument contrefaites qui y sont offertes et parce que des progrès supplémentaires sont nécessaires pour que celles-ci disparaissent ou diminuent de manière significative. 

Conseil d’expert

Dans ce contexte de fraude généralisée sur les places de marché, quelle stratégie anticontrefaçon adopter ?

Le principe de base pour lutter efficacement contre la vente de produits contrefaits, et plus généralement pour maîtriser son réseau de distribution sur Internet, repose sur la mise place d’une surveillance automatisée. Mais surveiller uniquement les places de marché les plus populaires est une stratégie qui atteint vite ses limites. Mieux vaut privilégier une surveillance globale de la toile et ce, quels que soient les pays, afin d’avoir une vision étendue sur l’ensemble des plateformes de vente, réseaux sociaux, appstores, sites de vente et noms de domaine.

Même s’il existe quelques plateformes de vente récalcitrantes, la grande majorité d’entre elles disposent désormais de procédures permettant de signaler et faire retirer les annonces frauduleuses. La difficulté pour les services juridiques des entreprises est bien souvent de faire face à cette charge de travail complémentaire extrêmement chronophage et récurrente.

C’est pour cette raison qu’il est important de rappeler que la lutte anticontrefaçon est avant tout un projet qui doit être mené comme tel au sein de l’entreprise. Elle s’organise avec l’appui d’experts mais aussi et surtout d’outils de nouvelle génération, permettant d’industrialiser :

  1. la détection des annonces frauduleuses,
  2. la suppression de celles-ci (sans formalité pour l’entreprise),
  3. l’identification et la notification des vendeurs en infraction.

Par ailleurs, rappelons qu’un diagnostic préalable est indispensable afin d’identifier les régions du monde et les canaux de distribution dans lesquels il est urgent d’agir, mais aussi pour déterminer des objectifs concrets à atteindre.

Quel budget prévoir ?

Le budget à prévoir pour une surveillance incluant la suppression automatisée des atteintes est d’environ 1800 € HT par mois, par marque et par canal. Une surveillance seule (sans suppression des annonces) coûte en moyenne 1350 € HT par mois, par marque et par canal. Ce budget s’entend pour une surveillance mondiale. Il va de soi qu’en fonction du nombre de marques traitées, des économies d’échelle peuvent être réalisées, pouvant atteindre jusqu’à 25 % de ce budget.

Pour plus d’information sur les outils de lutte anticontrefaçon, cliquez ici.

*Liste publiée le 7 décembre 2018 par la Commission européenne.

Par Pierre Berecz et Sophie Audousset

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