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Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’ICANN travaille au lancement de nouvelles extensions internet depuis sa création en 1998. Si le dernier appel à candidatures en 2012 a fait grand bruit, du fait du nombre important de nouvelles extensions auxquelles il a donné lieu, celui-ci fut effectivement la quatrième en date.

Historique

Au cours des années 80, sept premières extensions internet dites génériques (à différencier de celles correspondant à un code pays) furent lancées. Il s’agissait de com, .edu, .gov, .int, .mil, .net, et .org. Parmi celles-ci, seules trois (.com, .net et .org) permirent aux internautes d’enregistrer des noms de domaine sans avoir à respecter de condition d’éligibilité. En l’an 2000, deux ans après sa création, ICANN organisa un appel à candidatures afin de sélectionner les nouvelles extensions qui seraient lancées. À l’issue de cet appel, le conseil d’administration de l’ICANN sélectionna les extensions suivantes : biz, .info, .name, .pro, .aero, .coop et .museum. Puis en 2003, un nouvel appel à candidatures fut organisé et les extensions suivantes virent le jour asia, .cat, .jo bs, .mobi, .tel et .travel.Les appels à candidatures de 2000 et 2003 ayant globalement réussi, ICANN lança en 2005 un processus d’élaboration de politiques définissant le cadre contractuel applicable au lancement et à la délégation de futures extensions.

En 2008, une première version du guide de candidature fut publiée par l’ICANN afin de recueillir l’avis du public sur les différentes politiques le composant. Ce guide est effectivement la pierre angulaire du programme de lancement des nouvelles extensions, en ce sens qu’il définit les obligations opérationnelles, financières et juridiques applicables à tout candidat à la délégation d’une extension internet. Pendant près de trois années, la communauté ICANN et le public en général travaillèrent sur ce document jusqu’à ce qu’il prenne sa forme actuelle. Malgré les craintes des représentants des utilisateurs commerciaux et des titulaires de droits de propriété intellectuelle quant à de potentielles atteintes aux droits de leurs membres, le conseil d’administration de l’ICANN donna son accord au lancement du programme de nouvelles extensions en juin 2011.

Résultats de l’appel à candidatures de 2012

Il est important de rappeler que le guide de candidature stipule que celui-ci vise à régir « le premier appel à candidatures d’un processus continu de lancement de nouvelles extensions » et que ICANN a « pour objectif d’organiser les tours suivants aussi vite que possible». Force est de constater que le premier appel à candidatures fut loin  d’être parfait. Toutefois, considérant tant la complexité du programme de lancement lui-même que le mode de fonctionnement de l’ICANN, les résultats de ce premier appel sont à considérer comme une réussite. En effet, la conjonction des 338 pages du guide de candidature rédigées par autant d’auteurs et les multiples règlements sous-jacents sur lequel le guide repose auraient pu conduire à une catastrophe mais ce ne fut clairement pas le cas. Parmi les 1930 candidatures reçues, 1232 furent validées et ajoutées à la racine de l’internet. Mis à part quelques cas particuliers, comme celui de Amazon qui se livre actuellement à une bataille juridique contre les gouvernements péruviens, colombiens, équatoriens et boliviens afin de pouvoir faire usage de l’extension .amazon ou encore celui de la guerre fratricide entre les groupes pharmaceutiques Merck & co et Merck Group pour l’obtention de la délégation du .merck, chaque titulaire de marque a obtenu l’extension pour laquelle il a candidatée.

Qui plus est, l’ouverture à l’enregistrement de chaque nouvelle extension fut soumise à des règles de protection spécifiques incluant entre autres une période dite de « sunrise » durant laquelle les titulaires de marques ont pu enregistrer les noms de domaine correspondant à leurs marques avant les autres. Cependant, le fait que ce premier appel à candidatures n’ait pas échoué ne signifiait pas qu’un examen approfondi puisse être évité.
Ainsi ICANN a donc initié à ces fins deux processus d’élaboration de politiques :

  • L’un visant à examiner et améliorer les procédures applicables aux futurs appels à candidatures ;
  • L’autre visant à examiner et améliorer les mécanismes de protection des droits au sein des extensions génériques.

Procédures applicables aux futurs appels à candidature

Ce groupe a débuté ses travaux en janvier 2016. Après avoir conclu ses délibérations sur six sujets généraux, le groupe de travail a mis en place cinq sous-groupes traitant chacun d’un sujet spécifique :

  1. Questions relatives au processus en général, son soutien et sa popularisation
  2. Questions juridiques et réglementaires
  3. Problèmes liés aux candidatures concurrentes pour la même extension, le traitement des plaintes et le règlement des litiges
  4. Noms de domaine internationalisés, les questions techniques et opérationnelles
  5. Le traitement des extensions géographiques

Le groupe de travail a sollicité l’avis du public durant deux périodes de commentaires ouvertes au public. En juillet 2018, le groupe de travail a publié son rapport initial et plus tard en octobre de la même année il a publié un rapport supplémentaire traitant uniquement du sujet ô combien controversé qu’est la protection des noms géographiques.

À l’heure de la rédaction du présent article, le groupe de travail a terminé son examen des commentaires du public pour les rapports. Chaque sous-groupe analyse actuellement plus en détail la manière dont les commentaires du public pourraient influer sur les recommandations faites dans le rapport final.

Les questions qui nécessitent encore une réponse sont les suivantes :

  • La protection des caractéristiques géographiques et des “termes d’importance culturelle liés à la géographie » (comme le nom d’une rivière, d’une montagne, d’un lac…) qui ne sont pas considérés comme des termes protégés dans le guide du candidat,
  • La création d’une base de données contenant tous les termes géographiques protégés dans toutes les langues,
  • La protection de la forme traduite des noms géographiques protégés dans toutes les langues,
  • Le processus de résolution des litiges pour que les noms géographiques donnent la priorité à la demande qui utilisera l’extension pour sa signification géographique,
  • Le départage des demandes concurrentes par les villes portant le même nom.

Afin d’apporter une réponse à ces questions, le sous-groupe de travail 5 devra modifier son rapport afin qu’une plus grande protection soit accordée aux noms géographiques tout en veillant à ne pas nuire aux intérêts légitimes des candidats.

Le sous-groupe a pour objectif d’envoyer son rapport finalisé au reste du groupe de travail d’ici août-septembre 2019. Le groupe de travail l’intégrera ensuite dans son rapport final, qui lui doit être publié pour la fin 2019.Les recommandations contenues dans le rapport final serviront ensuite à modifier le guide du candidat.

Mécanismes de protection des droits au sein des extensions génériques

Ce groupe a débuté ses travaux en février 2016. Son examen des mécanismes de protection des droits (« RPM » en anglais) s’effectue en deux phases. Au cours de la première phase, qui est actuellement en cours, le groupe de travail examine tous les RPMs élaborés spécifiquement pour l’appel à candidatures de 2012.

Pour rappel il s’agit :

  • Service d’alerte des organisations non-gouvernementales internationales (ONG). Les ONGs bénéficient d’un service les alertant de tout enregistrement de noms de domaine correspondant à leur dénomination durant les 90 premiers jours de l’ouverture des enregistrements de toute nouvelle extension ;
  • Procédure de règlement des litiges relatifs aux engagements d’intérêt public (PICDRP). Le PICDRP traite des plaintes selon lesquelles un registre ne respecterait pas les engagements d’intérêt public prévus dans son contrat d’accréditation avec ICANN ;
  • Procédure de règlement des différends concernant les restrictions d’enregistrement (RRDRP). Le RRDRP traite des situations où un registre en charge d’une extension dite communautaire ne ferait plus respecter les restrictions d’enregistrement auxquelles il s’est engagé en signant son contrat d’accréditation avec ICANN.
  • Trademark Clearinghouse (TMCH). La TMCH est un annuaire utilisé par les registres de nouvelles extensions afin de fournir des services de protection aux titulaires de droits de propriété intellectuelle. Plus spécifiquement, la TMCH permet l’organisation de périodes de « sunrise » et l’envoi d’alertes en cas d’enregistrement de noms de domaine correspondant à une marque enregistrée ;
  • Obligations relatives à la TMCH. Afin de protéger les titulaires de droits de propriété intellectuelle, ICANN a inscrit certaines obligations au sein du contrat d’accréditation des registres les contraignant à faire usage de la TMCH ;
  • Procédure de règlement des litiges post-délégation en matière de marques (PDDRP). Le PDDRP définit les procédures de règlement des litiges post-délégation en matière de marques en général et traite plus particulièrement des cas où un registre se serait rendu coupable de complicité de contrefaçon de marques sous son extension ;
  • Uniform Rapid Suspension (URS). L’URS est un mécanisme de protection des droits qui complète la procédure d’arbitrage UDRP en offrant un moyen moins coûteux et plus rapide d’obtenir la suspension ou la suppression de noms en flagrante infraction avec le droit des tiers.

Le groupe de travail a finalisé son examen de la procédure de règlement des litiges post-délégation en matière de marques en novembre 2016. L’examen de l’URS a quant à lui été complété en octobre 2018. Le groupe a également grandement avancé dans revue de la TMCH. Pour ce faire il a organisé un sondage auprès des utilisateurs de la TMCH afin d’obtenir un retour d’information factuel quant aux périodes de Sunrise et du service d’alertes des titulaires de marques. En décembre 2018, deux sous-groupes furent formés avec pour mission d’analyser toutes les informations recueillies par le biais de ce sondage. Cette analyse fut conclue en février 2019 et en juin 2019 les sous-groupes partagèrent leurs recommandations avec le groupe complet. À l’heure actuelle, le groupe de travail est en train de rédiger son rapport final qu’il espère pouvoir publier en avril 2020. Une fois cette première phase terminée, le rapport final sera soumis à l’approbation du conseil d’administration de l’ICANN et les recommandations qu’il contient seront utilisées pour amender le guide du candidat.

La seconde phase sera consacrée uniquement à l’examen de la procédure UDRP. Si un seul et unique mécanisme sera passé en revue, cette phase devrait logiquement s’avérer plus longue et complexe que la précédente qui portait pourtant sur 7 mécanismes. Ceci s’explique aisément par le fait que la procédure UDRP fut établie il y a 20 ans et que plus de 100 000 décisions ont été rendues conformément à celle-ci. Cependant, cette phase n’a pas besoin d’être conclue pour que le prochain appel à candidatures puisse être lancé. Cet examen sera conduit en parallèle avec le prochain tour de candidatures et il y a fort à parier qu’il ne sera pas conclu avant la fin de ce tour.

Un intérêt revigoré

Du fait de l’utilisation de nombreuses extensions de marque telles que .sncf, .leclerc, .mma, .total et .bnpparibas en France ou .bmw, .audi et .mini en Allemagne ou encore de .mango .lacaixa, .zara et .telefonica en Espagne, les titulaires de marques manifestent de plus en plus leur intérêt à l’obtention de leur pré carré sur internet. Très probablement en raison de cet intérêt et du fait que la révision du programme de candidature prendra bientôt plus de temps que la création du programme lui-même, ICANN a récemment publié un article intitulé “ICANN Org’s Readiness to Support Future Rounds of New gTLDs“. Ce document contient une liste de 8 présupposés relatifs à l’aspect opérationnel du prochain appel à candidatures. Ceux-ci peuvent être résumés comme suit :

  1. Le rapport des groupes de travail sur les procédures applicables aux prochains appels à candidatures ainsi que celui relatif à l’examen des mécanismes de protection des droits seront utilisés pour modifier le guide du candidat et les politiques applicables avant le prochain appel à candidatures ;
  2. L’ICANN estime que le prochain tour aura environ 2000 candidatures ;
  3. La période pour candidater sera d’un à trois mois par tour et le taux de délégation restera à 1000 extensions par an ;
  4. ICANN mettra en place une infrastructure opérationnelle dédiée et permanente qui sera chargée du prochain cycle et des suivants ;
  5. ICANN investira dans des systèmes et outils dédiés aux prochains cycles. Et plus important encore, ICANN fera procéder aux tests en profondeur de la sécurité et la stabilité de ces systèmes ;
  6. ICANN formera son personnel à suivre le processus opérationnel défini par le guide du candidat ;
  7. ICANN recrutera du nouveau personnel et externalisera des parties du processus qui requièrent une expertise spécifique ;
  8. Le programme fonctionnera selon le principe de recouvrement des coûts. Il sera ainsi financé par les frais de candidatures perçus.

Bien que ce document vise principalement à recueillir les commentaires de la communauté de l’ICANN, il constitue également un signal clair que le prochain appel à candidatures aura lieu prochainement.

Au vu de ce document et de ces présupposés, le premier trimestre de 2021 apparaît comme la date crédible de lancement du prochain appel à candidatures. Même si cette date peut apparaître comme éloignée, une année entière peut s’avérer nécessaire pour que les potentiels candidats coordonnent leurs différents départements afin de s’assurer que leur candidature et le lancement de leur extension seront couronnés de succès.

Par Luc Seufer pour EBRAND

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